Riad Salamé sur Al Hadath, 24 mai 2021

La « défense » par la Banque du Liban (BDL) du « peg » (parité fixe entre le dollar et la livre), en utilisant les dollars des déposants à qui les banques offraient des taux d’intérêts élevés, a été le premier épisode des escroqueries de la « bancocratie » de Taëf (principalement du trio Rafic Hariri-Nabih Berry-Walid Joumblatt), des banques et du gouverneur de la BDL Riad Salamé. Et ce, sous le regard bienveillant, ou le silence complice, de l’occupant syrien : principalement M. Abdel-Halim Khaddam, et les généraux Moustapha Tlass, Hikmat Chéhabi, Ghazi Kanaan et Rustom Ghazalé, respectivement anciens vice-président, ministre de la Défense, chef d’état-major, et anciens chefs des services de renseignements syriens au Liban.

Il s’agissait d’une pyramide de Ponzi.

C’est ce qu’ont affirmé non seulement la Banque Mondiale et le président français Emmanuel Macron, mais également le gouverneur de la BDL. Le 21 novembre 2022, ce dernier déclarait en effet à l’antenne d’Al Hurra News que la BDL n’avait financé l’État libanais qu’en livres et non en dollars. Cela signifie que les dépôts en dollars ont servi à maintenir la parité fixe entre le dollar et la livre, à soutenir les ingénieries financières et à payer des dividendes des actionnaires des banques, des importations que le Liban n’avait pas les moyens de payer (et les subventions afférentes) et des intérêts de la dette. Rappelons que dès 2015, la BDL ne disposait déjà plus de réserves en dollars.

La plateforme Sayrafa, lancée mi-juin 2020 par la BDL, est le second épisode des escroqueries de la « bancocratie » de Taëf (et principalement de Nabih Berry, Walid Joumblatt et du club des anciens Premiers ministres composé de Fouad Siniora, Saad Hariri, Tammam Salam et Nagib Mikati), des banques et du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, avec l’approbation implicite du Hezbollah.

La BDL a d’ailleurs organisé, en avril 2021, une formation pour les banquiers dans les locaux de l’École supérieure des affaires (ESA Business School) afin de les familiariser à l’utilisation de la plateforme censée contrebalancer (et même réduire) le taux du marché parallèle, dominé par les agents de change (agréés et illégaux) et les applications.

Initialement destinée aux changeurs, avant de l’être aux importateurs de denrées alimentaires et de médicaments, aux employeurs de main-d’œuvre domestique étrangère et aux parents d’étudiants vivant à l’étranger, cette plateforme regroupe depuis la circulaire 157 de la BDL du 10 mai 2021 les banques, les agents de transfert de fonds, les importateurs, des changeurs et la société de transfert d’argent OMT (représentant le réseau Western Union).

En raison du manque de transparence sur son fonctionnement, le taux de change de Sayrafa apparaît comme fictif pour nombre de personnes.

Une partie des dollars vendus sur la plateforme (à un taux moins avantageux) provient des ONG internationales qui ont besoin de reçus officiels.

Contacté par Libnanews, le président de l’ONG libanaise Nawraj, Fouad Abou Nader, considéré par certains comme un possible présidentiable, a réagi : « Les dirigeants de la BDL sont-ils incompétents ou traîtres quand ils conseillent aux détenteurs de dollars de les vendre pour acheter des livres qu’ils pourront vendre à leur tour sur Sayrafa, à un meilleur taux, afin d’obtenir plus de dollars que ce qu’ils possédaient auparavant ? Ou encore quand ils incitent les détenteurs de livres de les vendre sur Sayrafa pour obtenir des dollars qu’ils vendront ensuite sur le marché afin d’obtenir plus de livres qu’ils n’en avaient au préalable ? » Et le Dr Abou Nader de s’insurger contre cette aberration : « La BDL encourage les utilisateurs de la plateforme à gagner de l’argent de cette façon, alors que dans le même temps, cela lui en fait perdre. L’augmentation de ces pertes entraîne l’utilisation de la planche à billets ; ce qui accentue la dévaluation de notre monnaie ainsi que l’inflation. »

Dans sa critique contre le projet de loi de contrôle des capitaux, Sybille Rizk, Directrice des politiques publiques de l’ONG libanaise Kulluna Irada, explique[1] quant à elle : « Le texte institutionnalise aussi le recours à la plateforme Sayrafa qui n’a aucune base légale. Ce choix signe en creux le renoncement à l’unification des taux de change, pourtant considérée comme un objectif prioritaire dans l’accord préliminaire avec le FMI. Il ouvre la voie à une explosion de l’informalité du fait, par exemple, de l’interdiction officielle des opérations de change en dehors de cette plateforme gérée de façon opaque par la BDL (qui est déjà incapable de satisfaire la demande du marché). Ce projet de loi pourrait donc accentuer les pressions sur le marché des changes et entretenir l’inflation, soit l’inverse de sa fonction essentielle. »


[1] https://kulluna-irada.org/news-116.

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