Crédit photo le journal libanais Al Akhbar : « A Bas Riad le voleur. A bas le règne du Dollar ». Banderole des manifestants libanais Jeudi 24 octobre 2019 houspillant Riad Salameh, gouverneur de la Banque du Liban. «Riad, le voleur». A bas le règne de la Banque centrale libanaise et le Liban renaitra

Un article du Financial Times accuse le gouverneur de la Banque du Liban d’avoir “arbitrairement gonflé les actifs de l’institutions d’au moins 6 milliards de dollars en 2018.

Cette information intervient alors que le gouvernement Hassan Diab a adopté la mise en place d’un audit juricomptable des comptes de la Banque du Liban ce mardi, par le cabinet Alvarez & Marsal.
Cette information intervient également alors que les biens du gouverneur de la BDL ont été saisis de manière temporaire par la justice libanaise suite à une plainte d’un groupe d’avocats qui l’accusent d’avoir aggravé la crise financière par les opérations d’ingénierie financière menée entre 2016 et 2018.

Selon des documents rendus que le Financial Times a pu se procurer, le gouverneur de la Banque du Liban aurait utilisé des pratiques comptables non orthodoxes alors que le système financier local s’effondrait. Cela concernerait notamment la période de 2018 pourtant auditée et signé sous réserve par EY and Deloitte et jamais rendue publique jusqu’à présent, note le journal. Ainsi, ces comptes enregistrent un actif d’une valeur de 10 milliards de livres (6 milliards de dollars) sous “le titre de profits liés au seigneuriage sur la stabilité financière”, une valeur déterminée de manière unilatérale par le gouverneur de la Banque du Liban lui-même.

Deux experts indépendants de la banque centrale ont déclaré qu’ils n’avaient jamais entendu parler d’une telle mesure comptable et ont exprimé des inquiétudes quant au fait que le seigneuriage – qui se réfère généralement aux bénéfices réalisés lorsqu’une banque imprime de l’argent – pourrait être utilisé à tort pour masquer les pertes.
(…)
C’est juste une façon de rendre compte de faire exploser artificiellement les actifs de la banque centrale et de cacher [sa] valeur nette ou son capital massivement négatifs

Le gouverneur de la Banque centrale est ainsi accusé d’avoir utilisé ces méthodes comptables pour gonfler les actifs de la banque et équilibrer les livres de compte alors que les risques sur les passifs augmentaient. Aussi beaucoup d’actifs de la Banque du Liban seraient simplement des inventions, indique Joerg Bibow.

Pour l’heure, la Banque du Liban n’aurait pas souhaité s’exprimer à ce sujet, tout comme les auditeurs.

Pour rappel, le gouvernement estime à 50 milliards de dollars, les pertes de la Banque du Liban,

Toujours selon l’article, les bénéfices du seigneuriage sont généralement comptabilisés comme un flux de revenus. Cependant, la BdL a adopté une approche différente, enregistrant les bénéfices attendus du seigneuriage comme un actif. En avril, la BdL a défendu son utilisation des bénéfices futurs comme actifs, ne souhaitant ainsi pas reconnaitre les pertes induites par sa politique.

Ces pratiques comptables auraient débuté dès 2009 et totaliseraient ainsi un montant total de 18 000 milliards de livres libanaises.

Le Financial Times note aussi que les ” autres actifs”suscitent également une controverse en raison du manque de transparence.

La valeur des “autres actifs” a ainsi presque quadruplé depuis 2018 – passant de 10 milliards de dollars à 38,6 milliards de dollars en juin 2020, selon une étude de la Blom Bank.

Ils dépassent désormais les actifs extérieurs de la BdL, qui sont tombés à 30 milliards de dollars, mais compensent la croissance des passifs. Le bilan intermédiaire de la BdL indique que les «autres actifs» incluent le seigneuriage, ce qui lui permet de comptabiliser plus d’actifs, selon les états financiers 2018.

A partir de 2016, les échanges opaques et complexes entre les banques commerciales et la BdL, qui impliquaient des dépôts en dollars, des prêts en livres libanaises et des achats de dette souveraine, ont été décrits comme similaires à des fraudes de type Ponzi. Le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé est ainsi accusé d’avoir gonflé les profits des banques locales via les réserves monétaires en attirant des fonds via d’importants intérêts et contribuant ainsi à la hausse de l’endettement public.

Les documents rendus publics par FT suggèrent que ces opérations ont aggravé les pertes de la Banque du Liban alors que la situation économique commençait à s’aggraver en 2018. La Banque du Liban versait jusqu’à 25% d’intérêt aux banques libanaises afin officiellement d’attirer des devises étrangères. Cependant, ces opérations rapportaient jusqu’à 17% sur les comptes en dollars pour les banques. Au total 24 milliards de dollars – équivalent à 1/3 du PIB – ont ainsi été dépensés par la Banque du Liban entre automne 2017 et février 2019, selon des documents du FMI.

Cela a certes augmenté artificiellement les réserves monétaires de la Banque du Liban mais également généré des profits pour les banques libanaises.

Cependant, les documents du Financial Times indiquent que la relation entre BDL et banques ont également englobé des transactions financières pour plusieurs millions de dollars.

La BDL aurait ainsi perdu près de 4 milliards de dollars en 2018 seulement. Selon le FMI dans un rapport publié en octobre 2019, ces opérations d’ingénierie financière ont été menées “au prix de l’intensification des liens souverains-banques, qui posent des risques pour la stabilité du secteur bancaire et alourdissent son bilan tout en protégeant la rentabilité des banques”, jusqu’à la crise financière que le Liban connait aujourd’hui.