Certaines rumeurs indiquent que la visite en Arabie Saoudite des 3 anciens premiers ministres, Nagib Mikati, Fouad Saniora et Tamam Salam, était non seulement d’ordre politique mais également économique, face à la dégradation de la situation économique locale, en dépit de l’adoption prochaine du budget 2019.

Le volet politique intervenait en soutien au Premier Ministre. Ce déplacement a été coordonné avec Saad Hariri. Il ne s’agissait pas de nuire à Saad Hariri face aux nombreux défis actuels. Parmi les challenges actuels, la crise liée à l’incident de Qabr Chmoun qmenace la cohésion gouvernementale ou encore les difficultés liées à l’application même du budget 2019.

Ce budget, pratiquement adopté en milieu d’année, laisse en effet sur la faim de nombreuses personnes. Il n’est pas du tout certain que parmi ses principaux objectifs, de voir les dépenses publiques être maintenues avec un déficit budgétaire réduit à presque 7% du PIB.

Plusieurs raisons à cela, l’augmentation des taxes et la diminution des dépenses publiques pourront encore plus aggraver le taux de croissance déjà attendu à 0% de l’aveux même du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Cela conduira plutôt à une baisse des revenues.

Il n’est également pas certain que les dépenses publiques aient été suffisamment contrôlées au cours des 6 premiers mois de l’année 2019.

On peut ajouter à cela de nombreuses autres interrogations notamment par rapport au plan de restructuration de la production d’électricité et des subventions accordées à l’EDL, à savoir si on pourra maintenir la distribution de l’électricité tout en diminuant ce poste de dépense.

Beaucoup estiment par conséquent insuffisantes les mesures prises dans le cadre du programme d’austérité du budget 2019, comme le confirment certains rapports économiques dont celui de Morgan Stanley ou l’agence de notation Moody’s. Ce dernier indiquait qu’une restructuration de la dette publique libanaise et une dévaluation de la Livre Libanaise était inévitable.

Le dernier rapport du FMI au Liban exhortait indirectement les autorités politiques et économiques libanaises à accepter une dévaluation de la devise locale via la remise en cause de la politique monétaire conduite par la Banque Centrale Libanaise.

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Une détérioration de la situation économique possible durant le dernier semestre 2019 en dépit de l’adoption du budget

Les autorités libanaises craignent donc qu’une détérioration supplémentaire de la situation économique puisse se produire d’ici la fin de l’année. En cause notamment, le refus de la Banque Centrale du Liban, à souscrire à une émission de plus de 7 milliards de dollars d’obligations libanaises qui devraient à l’origine permettre à refinancer d’autres obligations pour un montant de 5 milliards de dollars arrivant, quant-à-elles, à échéance en novembre.

Ce type d’opérations financières avait été déjà menée par la Banque Centrale. Elles étaient critiquée tant au niveau local, par le ministre de l’économie lui-même qu’au niveau international, dans les rapports du FMI ou de la Banque Mondiale qui s’interrogent sur les conséquences mêmes et le coût pour la croissance économique et l’emploi que ces mesures impactent.

Il s’agissait pour le Ministère des Finances, d’une émission d’obligations à 1% de taux d’intérêt, soit bien en-deça des taux habituels afin de réduire l’impact du service de la dette. Ce projet aurait pu ainsi économiser près de 700 millions de dollars annuellement au Trésor Public qui en aurait bien besoin, avec un taux d’endettement atteignant 150% du PIB, un déficit budgétaire qui a atteint plus de 11% du PIB en 2018 et une croissance économique toujours en berne.
De même que la Banque du Liban, les banques privées ont également fait savoir qu’elles ne s’exposeront plus à de nouveaux risques financiers.

De l’aveu même de Fouad Saniora, l’ingénierie financière de la Banque du Liban ne pourra pas longtemps suffire à contrôler longtemps la situation économique de l’état libanais. D’autres sources estiment à la fin de l’année le possible crash économique et financier de l’état, les mesures prises jusqu’à présent n’ayant été suffisantes que pour en éloigner cette échéance.

Une aide conditionnée à un retour de l’influence saoudienne au Liban

Les relations entre l’Arabie Saoudite et le Liban s’étaient fortement dégradées ces dernières années, Riyad accusant Beyrouth d’être sous l’influence de Téhéran. Le Liban faisait ainsi les frais de la lutte d’influence entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Dans un premier temps, le Royaume à décider de mettre fin à la donation saoudienne de 4 milliards de dollars, dont 3 milliards en soutien à l’Armée Libanaise et à son programme d’achat d’équipements moderne. es organisations terroristes de Daesh et d’Al Nosra, dont la présence était liée au débordement du conflit civil syrien, menaçaient à l’époque le Liban. L’Arabie Saoudite était alors dans le camp opposé au régime syrien, faut-il le rappeler.

Nos archives de 2016

La crise culminera ensuite avec l’annonce de la démission du Premier Ministre Saad Hariri depuis le territoire saoudien. Nombreux ont vu à l’époque un Premier Ministre humilié et un frein durable à l’influence saoudienne sur le Pays des Cèdres. Il ne reviendra au Liban qu’après la médiation du Président Français Emmanuel Macron et retrouvera son mandat de Premier Ministre.

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Pourtant, les relations entre les 2 pays se sont quelques peu améliorées depuis, avec la mise en place d’une politique de distanciation

Face à cette situation qui semble insoluble domestiquement parlant et alors que les autorités publiques qu’elles soient politiques ou monétaires se refusent à suivre les recommandations des organismes internationaux concernant la restructuration de la dette publique ou encore la dévaluation de la Livre Libanaise, l’heure est à la mendicité auprès des Pays de la Péninsule Arabique et notamment l’Arabie Saoudite qui pourrait ainsi retrouver une certaine influence quelque peu perdue au Liban.

En dehors au soutien de l’Arabie Saoudite à la communauté sunnite, une dimension plus globale s’ajoute donc, pour éviter des troubles socio-économiques qui pourraient être les conséquences d’une crise économique grave. La scène politique libanaise, tout parti confondu, redoute ce genre de scénario, ouvrant la voie à certains compromis.

Il s’agira donc de réactiver l’aide économique et peut être même sécuritaire saoudienne au Liban via la médiation des 3 anciens premiers ministres.

Cela peut se faire notamment par le soutien de Riyad aux obligations libanaises, notamment en achetant les obligations prévues et dont personne ne veut au plan local. Cela est, à priori, le scénario le plus probable.

Pourtant des responsables politiques bien responsables de la situation qui nous arrive

Que cela soit Tamam Salam, responsable de la hausse inconsidérée des salaires sans gains de productivité amenant à une dévaluation probable de la livre libanaise, Fouad Saniora dont les années comme Ministre des Finances puis comme Premier Ministre ont amené à creuser les déficits publics et alors qu’il avait également été mis en cause par certains députés dans des détournements possibles de fonds publics, chose qu’il récuse cependant et qu’on a bien fait vite d’oublier d’ailleurs, ou encore Nagib Mikati dont le gouvernement a été incapable de même à contrôler les dépenses publiques durant son mandat, la situation économique actuelle est largement due aux différents gouvernements qui se sont succédés depuis la fin de la guerre civile en 1990.

Mais en premier lieu, la principale responsabilité revient à l’incapacité de remettre en cause le processus de reconstruction de l’économie libanaise basée essentiellement sur l’industrie touristique tournée vers les Pays Arabes et sur le BTP, politique mise en place par Rafic Hariri, père du Premier Ministre actuel.
2 secteurs sensibles donc, notamment, à la situation géopolitique régionale, une des principales causes de la crise économique actuelle.

Seul ancien premier ministre resté au Liban Salim Hoss est celui qui, paradoxalement, qui a mis en cause cette politique lors de son mandat de 1997 à 2000. Il avait même à l’époque tenté déjà de contrôler les dépenses publiques via la mise en place – déjà – d’une politique d’austérité conduite par le Ministre des Finances d’alors Georges Corm, en dépit des bâtons dans les roues que n’ont pas hésité à lui-mettre certains, notamment son chef de cabinet d’alors, mêmes présents au sein de son ministère. Malheureusement cette politique n’a pu être poursuivie par ses successeurs faute d’une attitude courageuse. Nous n’en paierons pas les conséquences aujourd’hui.

Outre le fait que les conditions de santé de Salim Hoss ne lui permettent ce genre de déplacement, il a également critiqué ce déplacement de ses 3 successeurs, estimant qu’il y avait-là, un acte de servitude envers le Royaume qui a abandonné bien d’autres positions d’ordres politiques, notamment par rapport au conflit israélo-palestinien et israélo-arabe.

Une des premières conséquences, l’annonce d’une embauche possible de 60 000 libanais pour la construction d’une nouvelle ville en Arabie Saoudite

Coïncidence ou pas, les autorités saoudiennes, par l’intermédiaire de leur ambassadeur en place à Beyrouth, annoncent que 60 000 libanais pourraient être ainsi embauchés par le Royaume. L’Arabie Saoudite souhaite construire une ville ultra moderne sur les bords de la Mer Rouge.

Evidemment, face à cet effet d’annonce, la population, largement impactée par la crise économique, avec 30 000 nouveaux diplômés chaque année qui quittent le pays, avec un taux de chômage local de 45% de la population active vont applaudir.

Mais au-delà même de ce plan économique, il convient de voir que “cette aide” intervient plus dans l’intérêt saoudien que dans l’intérêt du Liban. Former un ingénieur, un spécialiste coûte de l’argent et le retour sur investissement de ces formations bénéficie plus à ces économiques étrangères dans lesquelles ces travailleurs s’installent que de l’économie locale qui a aidé à les former.

Ces embauches aident au contraire, à maintenir le Liban dans une dépendance à l’aide économique étrangère au lieu de l’en sortir. Il conviendrait plutôt d’aider à ces travailleurs à rester au Liban, notamment avec la promotion d’emplois qualifiés sur un plan local.

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