« Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé » aurait dit Albert Einstein. En effet, les armes nucléaires et les préjugés détruisent tous deux de manière aveugle et indiscriminée. Violant et érodant ainsi tout sens de l’humanité et de la dignité. Pourtant, alors que tout un chacun a entendu parler d’Hiroshima et de Nagasaki, les armes nucléaires restent licites au regard du droit international. Étonnamment, il semblerait que la société n’a pas suffisamment mesuré les conséquences des armes nucléaires sur les humains et l’environnement.

Après l’explosion de « Little Boy » et de « Fat Man » en 1945, un fort mouvement en faveur du désarmement nucléaire a permis l’adoption de nombreux traités. Certains accords bilatéraux, comme les accords START, SALT et l’INF (1), visaient une réduction réciproque des arsenaux nucléaires des deux grandes puissances étasunienne et russe. D’autres, multilatéraux, interdisaient ou régulaient les activités nucléaires comme le TNP (2) ou encore le TICE (3°, ou créaient des Zones Exemptes d’Armes Nucléaires, notamment en Afrique, en Antarctique, en Amérique latine et Caraïbes, en Asie du Sud-Est, en Asie centrale et dans le Pacifique Sud. Vint ensuite une période de relative stagnation.

Le contexte actuel marqué par le retrait de puissances majeures d’organisations et d’accords internationaux et que certains décriront de Guerre froide moderne, semble constituer un frein pour le désarmement nucléaire. Plus particulièrement, avec le récent retrait des États- Unis et de la Russie du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Ou encore la sortie des États-Unis de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien et la réplique iranienne à ce retrait (4). Si certains craignaient une nouvelle escalade nucléaire, il n’est désormais plus fantaisiste de considérer que celle-ci a commencé. Pourtant, ce moment charnière peut être mis à profit du désarmement nucléaire. En effet, on observe une stigmatisation croissante des armes nucléaires qui s’exprime plus librement sur la scène internationale par des déclarations et conférences de plus en plus nombreuses. Dans les faits, la signature du Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaire (TIAN) de 2017 par 70 États et sa ratification par 23 autres en est une parfaite illustration. D’autant plus que ce traité s’annonçait de prime abord comme un échec total. Pris ensemble, ces éléments pourraient constituer des indices de formation progressive d’une norme internationale qui serait à même de résoudre l’indécision judiciaire entourant le statut des armes nucléaires au regard du droit international (5).

Dès lors, le contexte actuel peut s’avérer être un moment clef à la prise de mesures positives en faveur du désarmement, en application de la théorie de la bicyclette (6). Principalement en soutenant la ratification du TIAN afin de permettre son entrée en vigueur. Car il est plus que temps de réaliser que la dissuasion nucléaire a ses limites. Et que si “Little Boy” et “Fat Man”devaient nous prouver quelque chose, c’est bien qu’il ne faut plus attendre que tout ce qui est susceptible d’aller mal, aille mal.

Mais surtout, la question nucléaire doit devenir un espace de discussion incluant les jeunes. En effet, la jeunesse doit incarner un atout stratégique et décisif en la matière, plutôt que d’être constamment rejetée pour son âge et son manque d’expérience. Ainsi, s’il est vrai que l’âge amène la sagesse, la jeunesse quant à elle est gage de témérité et d’audace tous deux essentiels pour réaliser un changement. La jeunesse doit dès lors se faire la voix de ce changement, optimiste et visionnaire.

Je suis une jeune juriste franco-libanaise et j’ai récemment été sélectionnée avec une vingtaine d’autres jeunes à travers le monde pour participer à un programme organisé par la Préfecture d’Hiroshima portant sur le Nucléaire et la Sécurité Globale. Plus qu’une fierté, ce programme représente l’occasion de me confronter à l’humain, avec ses ténèbres et lumières. Il s’agira de véritablement comprendre les conséquences du nucléaire sur lesHibakusha et l’environnement. De plonger au cœur de la réalité afin de s’élever ensuite, réactive. Voire proactive.

1 Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire de 1987.
2 Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968.
3 Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires de 1996.
4 Voir en ce sens : « Nucléaire : l’AIEA confirme que l’Iran enrichit à un niveau prohibé », Par LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 08/07/2019, consultable en ligne sur : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/nucleaire- iranien-teheran-met-en-garde-les-europeens-contre-toute-escalade_2088504.html
5 Voir sur ce point l’Avis consultatif de la Cour internationale de justice rendu en 1996 et portant sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires. La Cour conclut dans cet avis que « [a]u vu de l’état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, [elle] ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l’emploi d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d’un État serait en cause »
6 Cette théorie est également attribuée à Albert Einstein qui aurait dit : « La vie c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ».

Nour ASSAF


Qui suis-je ?

Je suis une jeune franco-libanaise qui rêve comme tous ceux de sa génération de pouvoir un jour rentrer au Liban. Je suis juriste spécialisée en Droit international humanitaire et Droits de l’homme. Ayant assisté à la guerre au Liban en 2006 comme tant d’autres libanais, je suis particulièrement sensible à la question des migrations et des conflits armés. Mon projet de vie évolue autour de deux axes que sont :

I-  La protection des personnes, des biens culturels et de l’environnement en tant de conflit armé. 

II-  Le dialogue culturel entre l’orient et l’occident et la lutte contre les préjugés. 

J’ai souvent pris la parole, notamment pour défendre les Droits de l’homme à Genève (Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU), ou encore pour plaider en faveur de l’application du droit humanitaire aux nouvelles technologies (Concours national de plaidoirie de la Croix-Rouge française 2019 auquel j’ai remporté le prix du jury). Plus récemment, j’ai été sélectionnée avec une vingtaine d’autres jeunes (seulement) à travers le monde afin de participer à un programme au Japon portant sur les questions de Sécurité globale. Ce programme sera une nouvelle occasion de prendre la parole en tant que jeune libanaise investie et engagée pour la cause humaine.

Nour Assaf
Nour ASSAF est une jeune juriste franco-libanaise spécialisée en Droit international. L’humanité étant pour elle une valeur primordiale, elle a décidé de se consacrer à la protection des personnes, de l’environnement et du patrimoine culturel dans les conflits armés. Et puisque le corps va de paire avec l’esprit, elle s’est aussi engagée pour la lutte contre les préjugés. Convaincue que la jeunesse a un rôle clef à jouer pour le Liban et à l’international, elle est active auprès de plusieurs organisations humanitaires.

3 COMMENTAIRES

  1. Un bel article évoquant un beau projet dans un domaine qui devrait sensibiliser tout le monde! Juste au niveau de la conclusion pourquoi pas détailler ton programme au Japon et de quelle manière faire entendre la voix des Hibakusha. J’attends avec impatience tes prochains articles ?,

  2. Sur le fond bien écrit bravo ! Mais à quoi ça sert un accord bilatéral ? Même multi ? Et finalement qui doit être l’autorité officielle et juste qui juge dans ce sujet ?
    Sur la forme, manque de connections entre les paragraphes 😉
    On attend vos prochains articles.

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