L’Arabie saoudite face au double défi du Yémen et du Liban

  1. Yémen: La guerre à huis clos d’un rogue state; une promenade de santé qui vire au cauchemar
  2. Liban- Arabie saoudite: L’Affaire Georges Cordahi ; le Liban en otage de la furie de Mohamad Ben Salmane.

L’Arabie saoudite, le plus grand et le plus riche pays arabe, mène, simultanément, une guerre militaire contre le Yémen, le plus pauvre pays arabe, et une guerre économique contre le Liban, le plus petit pays arabe, sans que le résultat en soit garanti pour ce 5eme client de l’armement mondial, ni pour ce géant de l’économie mondiale, membre du G 20.

Mais dans cette épreuve de force, le chef de file de l’Islam sunnite fait face en fait à deux adversaires redoutables, deux personnalités charismatiques au palmarès militaire infiniment plus prestigieux que le sien: Au Liban, à Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, chiite, et au Yémen, Abdel Malik Al Houthi, chef des Ansar Allah, relevant de ce que le wahhabite considère comme l’Islam schismatique.

Vers la constitution d’un réduit saoudo américain au Sud-Yémen.

La guerre à huis clos d’un rogue state: une promenade de santé qui vire au cauchemar.
Le baptême de feu du Roi Salmane Ben Abdel Aziz au Yémen, le 25 Mars 2015, deux mois après son accession au trône, se voulait une démonstration de force et de vigueur du monarque, au terme de dix ans de léthargie induite par son prédécesseur le nonagénaire Abdallah.

Œuvre de son fils, Mohamad Ben Salmane, le prince héritier, l’expédition punitive de ce monarque octogénaire, de surcroît pâtissant d’une maladie handicapante (Alzheimer), contre le plus pauvre pays arabe, a tourné au cauchemar. La promenade de santé a viré au voyage au bout de l’enfer.
Le souverain, prudent, avait pourtant pris toutes les précautions: Pour la première guerre frontale de la dynastie wahhabite depuis la fondation du Royaume il y a près d’un siècle, une coalition de sept pays avait été mise sur pied alignant 150. 000 soldats et 1.500 avions. Une task force secondée par des mercenaires des compagnies militaires privées du type Blackwater de sinistre mémoire et la connivence tacite des «Grandes Démocraties Occidentales».

Le châtiment se devait être exemplaire et dissuader quiconque se dresserait contre l’hégémonie saoudienne dans la zone, particulièrement les Houthistes, secte schismatique de l’Islam orthodoxe sunnite, d’autant que la dynastie wahhabite considère comme sa chasse gardée absolue, son sas de sécurité, le Yémen, ce pays situé à la droite (Yamine) sur le chemin de La Mecque, selon sa signification étymologique. Mais «La tempête de la fermeté» s’est révélée catastrophique, malgré le blocus naval de la Ve flotte américaine de la zone (Golfe persique-Océan Indien), en dépit du puissant coup de main de la France à un mini-débarquement de troupes loyalistes à Aden, depuis la base militaire française de Djibouti.

Malgré l’encadrement français des troupes des Émirats Arabes Unis assuré par le contingent de la Légion Étrangère stationné sur la base française d’Abou Dhabi, «Zayed Military City»; Malgré l’aménagement d’une base arrière saoudienne dans le ville portuaire d’Assab (Érythrée), sur la Mer Rouge, pour le recrutement et la formation des cadres de l’armée loyaliste pro saoudienne.

Un désastre absolu en dépit de la présence de pilotes mercenaires français et américains, opérant dans les rangs saoudiens, alléchés par des primes de l’ordre de 7.500 dollars par sortie aérienne. Avec en surprime, une Bentley offerte par le prince Walid Ben Talal pour chacun des 100 pilotes saoudiens participant au bombardement du Yémen. Sans doute une façon très personnelle de développer le patriotisme, le sens du devoir et le goût du sacrifice au sein des forces armées saoudiennes.

Au fil du temps, la coalition s’est toutefois disloquée: Le Qatar, suivi du Maroc et du Soudan se sont retirés de cette alliance monarchique, alors que les grandes puissances militaires musulmanes (Pakistan, Égypte, Turquie, Algérie) déclinaient l’offre de se lancer dans cette aventure qu’elles jugeaient à tous égards aventureuse.

Fait sans précédent dans les annales de la stratégie mondiale, une coalition pétro monarchique, fermement soutenue par trois puissances occidentales, –membres permanents du Conseil de sécurité, disposant du Droit de veto, supposés veiller au maintien de la paix dans le Monde–, maîtres des cieux et de la mer, se sont livrés, en toute impunité, à une agression caractérisée contre le plus pauvre pays arabe, face à des adversaires furtifs à l’équipement rudimentaire, sans avoir enregistré le moindre succès militaire notable.

L’Arabie saoudite, traumatisée par l’attaque des installations pétrolières de l’ARAMCO par les va nu pieds houthistes, le 14 septembre 2019, -en représailles à des bombardements aériens massifs saoudiens contre le Yémen-, vit dans un état de panique à l’idée de la perte de Ma’rib, l’ancienne capitale du Royaume de Saba et de la mythique Reine de Saba; une hypothèse dont elle redoute d’en être la risée universelle.

Quatre mois après la chute de Kaboul, la chute de Ma’rib au Yémen non seulement ternirait durablement le prestige tant des chefs de file de la contre révolution arabe, –l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis– que de leurs parrains occidentaux (États-Unis, Royaume Uni, France), mais constituerait, en même temps, un puissant signal de motivation aux contestataires de l’hégémonie israélo-américaine dans la zone, renforçant la position de l’Iran dans les négociations sur le nucléaire iranien, fragilisant les pays arabes ayant pactisé avec Israël.

Pour conjurer un sort fatal, les Occidentaux ont fermé l’œil sur la mobilisation aux côtés des forces pétro-monarchiques d’Al Qaida et des combattants du parti Al Islah, la branche yéménite des Frères musulmans- pourtant tous deux inscrits sur la liste noire des organisations terroristes.

Une piste atterrissage américaine à Rayyan , dans le Hadramaout.

Et, parallèlement à l’aménagement d’un centre d’espionnage britannique en vue de surveiller les communications téléphoniques des Houthistes, les Américains ont procédé à l’encadrement des troupes assaillantes et entrepris d’agrandir l’aéroport de Rayyan dans le district de Moukalla, dans la province du Hadramaout, au sud du Yémen, à 480 km d’Aden, en vue d’accueillir des avions gros porteurs C 130.
La piste d’atterrissage a été construite, comme il fallait s’y attendre, aux frais des saoudiens, avec en titre de bonus la réception à Riyad d’une délégation de 20 personnalités de la communauté juive américaine, en grande pompe. Un geste destiné à perméabiliser l’opinion conservatrice saoudienne à une normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite.
Ainsi donc sans craindre la contradiction, mais dans un sursaut de survie, l’Arabie saoudite, le plus intransigeant ennemi d’Israël sur le plan théorique, s’apprête à intégrer le nouvel ordre régional sous l’imperium israélien.

En cohérence avec la position constante de la dynastie wahhabite, qui aura opéré le plus grand détournement du combat arabe, soutenant l’Irak contre l’Iran dans la plus longue guerre conventionnelle de l’histoire contemporaine (1979-1988), le détournant du champ de bataille principal, la Palestine, déversant des milliards de dollars, et, surtout, déroutant la jeunesse arabe et musulmane vers l’Afghanistan, à des milliers de km du champ de bataille palestinien, contre un ennemi athée certes mais allié des Arabes, l’Union soviétique, le principal fournisseur d’armes de pas moins de six pays arabes (Syrie, Irak, Algérie, Libye, Soudan et Yémen), un utile contrepoids en somme à l’hégémonie américaine.

A noter que la piste d’atterrissage de 300 mètres pour des avions-cargos américains est destinée, non à ravitailler une population assiégée depuis 6 ans et sinistrée par la pandémie du Covid et les destructions massives infligées aux infrastructures du pays par leurs agresseurs, mais à transporter du matériel d’urgence à déverser directement sur le champ de bataille.

Tout ce passe comme si les Saoudiens et les Américains paraissent devoir faire leur deuil du Nord-Yémen, désormais sous contrôle dans sa quasi-totalité des Houthistes pour se concentrer sur le sud Yémen qui apparaît ainsi comme ayant vocation à faire office d’ultime réduit pétro monarchique, face au désastre militaire qui se profile.

Shabwa, l’ancienne capitale de la région du Hadramaout, devrait être le théâtre de la prochaine confrontation. L’ancienne Sobota, selon Pline, a été une étape essentielle de la route de l’encens, entre la Méditerranée, l’Inde et l’Égypte.

En transformant leur bastion du Sud Yémen, à l’intersection de la Mer rouge, de l’Océan Indien et du Golfe persique, les Américains espèrent ainsi, à défaut de renverser le cours de la guerre, en retarder l’issue finale alors qu’un bras de fer oppose les Américains et l’Iran à propos du nucléaire iranien. Le retrait précipité des troupes pro monarchiques du périmètre du port de Hodeida, unique débouché maritime du Nord-Yémen, désormais sous contrôle houthiste, simultanément au retrait des troupes d’Abou Dhabi de leurs principales positions militaires du Sud du Yémen, plaide en faveur de cette thèse.

Ryad et Abou Dhabi redoutent, en fait, un effet domino, comparable au schéma afghan, qui entraînerait une chute en cascade de leurs positions militaires tant au Nord Yémen que dans de larges portions du Sud Yémen, les privant de toute possibilité de négociations d’une sortie honorable de leur bourbier yéménite. La chute de Ma’arib, placerait le Nord Yémen sous le contrôle des Houthistes, et placerait ce pays, au positionnement hautement stratégique, sous la zone d’influence tacite de l’Iran.

En fait, les Américains paraissent sceptiques sur l’issue de la guerre et se livrent à un combat d’arrière garde en fortifiant le Sud Yémen pour tenter de calmer les ardeurs de leur alliés pétro monarchiques et surtout de raisonner le «conducteur ivre», selon l’expression du diplomate américain Robert Malley à la revue Foreign Policy, qui a conduit au désastre yéménite: le prince héritier saoudien.

Sur les enjeux de la chute de Ma’rib, cf le lien suivant:

Le Sud Yémen, jadis unique pays du Monde arabe sous un régime de république marxiste, a été forcé à la fusion avec le Nord Yémen, sous la pression conjuguée saoudo-américaine, dans la foulée de l’implosion de l’Union soviétique, dans la décennie 1990. Il devrait en être à nouveau détaché par ce tandem, à tout le moins la zone d’Aden, du fait de leurs déboires militaires dans la péninsule arabique.

Yémen: Un polygone de tir.

Marchés, stations essence, champs, hôpitaux, y compris les centres de santé Médecins Sans Frontières, le Yémen a été transformé, depuis longtemps en un polygone de tirs, sans susciter la moindre protestation encore moins de sanctions. Rien n’a été épargné. Toutes les cibles sont licites.

Les bombardements tous azimuts ont provoqué d’importantes restrictions dans les importations, une pénurie des produits de première nécessité et une inflation corrélative, notamment le carburant et les médicaments.
L’ampleur de la crise est immense dans ce pays où l’accès des acteurs humanitaires est extrêmement restreint. Et dans ce pays de 46 millions d’habitants, les fossoyeurs sont débordés par les morts du Covid-19.
A la sixième année de la guerre, la coalition s’est réduite comme une peau de chagrin, désormais limitée aux duo belliqueux du Golfe, les princes héritiers d’Arabie saoudite, Mohamad Ben Salmane, et d’Abou Dhabi, Mohamad Ben Zayed. C’est dire l’ampleur de la déconvenue, qui explique l’extrême irritabilité du Royaume saoudien.

L’équilibre de la dissuasion

A l’automne 2021, les Houthistes ont inauguré une nouvelle stratégie fondée sur «l’équilibre de la dissuasion». En réplique aux raids massifs aériens pétro monarchiques contre leurs positions pour leur briser le siège de Ma’arib, les Houthistes ont simultanément attaqué à l’aide de drones, le 20 novembre 2021, la base militaire du Roi Abdallah à Ryad, (à l’aide de 4 drones), l’annexe militaire de l’aéroport civile du Roi Abdallah à Djeddah, de même que la raffinerie pétrolière de l’ARAMCO dans cette ville portuaire située sur la Mer Rouge, enfin des objectifs militaires dans les provinces de Jazane et Najrane, deux anciennes provinces yéménites provinces annexées par le Royaume dans la décennie 1930

A l’intention du locuteur arabophone, pour plus de détails sur l’équilibre de la dissuasion, cf ce lien

La guerre du Yémen se déroule à huis clos. Aucune voix de la grande conscience humaine, pas plus Bernard Kouchner, fondateur de «Médecins sans frontières», que Bernard Henry Lévy, le théoricien du botulisme, pourtant tous deux prompts à s’égosiller l’un pour le pour le Darfour, l’autre pour le Kurdistan irakien, n’ont pris la peine de dénoncer ce massacre en circuit fermé. Encore moins la troisième grande conscience, l’héritier Raphaël Glucksman, le nouveau venu dans la vocifération humanitariste pro Ouïghours.

Indice complémentaire de la connivence occidentale, le nouveau président d’Interpol, l’organisation de coordination des polices du monde, est un tortionnaire réputé issu d’un régime aux obsessions sécuritaires. Le général Ahmed Nasser al-Raisi, inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Émirats arabes unis (EAU), a en effet été élu à la tête de l’agence qui regroupe les services de police de 194 pays

La curée contre le Liban: une opération de diversion

L’affaire Georges Cordahi: le Liban en otage de la furie de Mohamad Ben Salmane

Dans un tel tragique contexte, la récente curée contre le Liban, prenant prétexte d’une déclaration de M. Georges Cordani, qualifiant d’«absurde» la guerre du Yémen, antérieure à sa nomination au poste de ministre de l’Information, apparaît à bien des égards comme une opération de diversion d’un pays en plein désarroi contre un pays qu’il veut maintenir en otage de son intempérance.
Une guerre contre la liberté d’expression d’un pays otage des pulsions erratiques d’un prince psychopathe.
La déclaration de M. Cordahi se présentait comme un constat de bon sens, d’une grande banalité, mais cette vérité d’évidence a donné lieu au premier cas de sanction rétroactive dans les relations internationales. Et, signe d’un grand courage, l’Arabie saoudite a voulu châtier un membre du gouvernent d’un pays à bord de l’apoplexie financière et non le Qatar, propriétaire de la chaîne Al Jazeera qui a diffusé ses propos.

Symptomatique d’une incohérence manifeste, l’offensive des pétro monarchies contre le Liban a coïncidé avec la première visite d’un dirigeant d’Abou Dhabi, en la personne du ministre des Affaires étrangères des Émirats Cheikh Abdallah Ben Zayed, à Damas, depuis le début de la guerre de Syrie, il y a dix ans, alors que la Syrie constitue, paradoxalement, le principal soutien du Hezbollah au Liban.

Alors que le Liban traverse l’une des pires crises économiques de son histoire, l’Arabie Saoudite a interdit l’importation vers le Royaume des produits agricoles libanais et dans un geste théâtrale à rappeler son ambassadeur du Liban, Walid Boukhary.

Le diplomate avait été en fait relevé de ses fonctions quelques mois plus tôt pour manquement aux devoirs de sa charge. Mais il a été dépêché à Beyrouth à nouveau pour établir, en concertation avec Samir Geagea, chef des milices chrétiennes des Forces Libanaises, un plan de bataille en prévision de la prochaine campagne législative libanaise qui aura lieu en Mai 2022, dont les Occidentaux et les pétromonarchies caressent le vœu d’en sortir vainqueur pour forcer le Hezbollah à désarmer.

Curieuse posture et aberrante d’ailleurs de Samir Geagea dont le discours souverainiste masque mal son allégeance aux deux grandes théocraties du Moyen Orient, Israël, durant la guerre civile libanaise, (1975-2000), puis l’Arabie saoudite, les deux pays les plus antinomiques du pluralisme libanais. Un souverainiste qui a érigé d’ailleurs la mendicité en art auprès de ses bienfaiteurs des pétromonarchies dont il se présente comme le défenseur attitré de leurs intérêts face au Hezbollah.

A l’intention des locuteurs arabophones, pour aller plus loin sur ce thème, cf ce lien. La mendicité érigée en art par les 3 G (Samir Geagea, chef des Forces Libanaises, Sami Gemayel, chef du parti phalangiste et Walid Joumblatt, chef du Parti Socialiste progressiste)

MBS un psychopathe

La tentative d’assassinat du Roi Abdallah d’Arabie saoudite, de même que l’agression contre le Yémen, en 2015, suivie de l’incarcération arbitraire du premier ministre libanais en exercice Saad Hariri, en 2017, de l’équarrissage du journaliste saoudien Jamal Kashogggi, en 2018; Enfin du chantage exercé sur le Liban à la suite d’un trafic de captagon à destination du Royaume saoudien, ont en effet conduit l’ancien chef des services de sécurité saoudien, Saad Al Jabri, dans une interview à la chaîne américaine CBS fin octobre 2021, a qualifié le prince hériter saoudien de «psychopathe» et Abou Dhabi, pourtant son meilleur allié, d’un «looser, impulsif».

La défragmentation mentale d’une large fraction de la population libanaise, la servilité d’une non moins large fraction de la classe politique au pétro dollar saoudien les frappe d’une cécité politique doublée d’une veulerie abjecte et obscurcit la raison des dirigeants pour aboutir à ce constat consternant:

L’Arabie saoudite, qui s’est appliquée méthodiquement à bafouiller la souveraineté libanaise et a abusé de sa puissance financière pour lui briser l’échine est portée au pinacle, tandis que l’Iran est vouée aux gémonies pour avoir brisé le blocus économique qui frappe le Liban en le ravitaillant de fuel.

Les pétromonarchies ont favorisé l’afflux massif de terroristes islamistes en Syrie en vue de la neutralisation du dernier pays du champ de bataille à n’avoir pas pactisé avec Israël; Et c’est le Hezbollah qui en a stoppé net sur le Liban, un déferlement qui aurait été d’ailleurs fatal en premier lieu pour les chrétiens libanais.

Mais, paradoxalement, ce sont les pétromonarchies les plus obscurantistes du Monde arabe qui font l’objet d’une prosternation permanente du leadership chrétien, y compris le Patriarcat maronite, et c’est la formation paramilitaire chiite qui fait l’objet d’une pernicieuse opération de diabolisation et de criminalisation.

Rare exemple d’aberration mentale doublée d’une non moins rare ingratitude d’un conglomérat des vaincus de toutes les guerres menées par les Israéliens et les Occidentaux contre le Liban depuis un demi-siècle…depuis l’assassinat de leur poulain Bachir Gémayel, en 1982, et le départ forcé de la Force multinationale Occidentale du Liban, en 1984.

Le chantage permanent de l’Arabie saoudite sur le Liban, un déversoir des turpitudes royales.

L’Arabie saoudite exerce un chantage permanent sur le Liban, qu’elle considère comme un déversoir des turpitudes royales, prenant prétexte du prestige régional du Hezbollah, la formation politico-militaire chiite et de la considérable audience de son chef Hassan Nasrallah.

Pour rappel, le royaume avait dejà obtenu la tête du ministre des Affaires étrangères, Charbel Wehbé, pour avoir émis des critiques sur la politique saoudienne. Les partisans de Georges Cordahi au sein du pouvoir libanais se sont opposés à la démission du ministre de l’information afin de ne pas conditionner le fonctionnement du gouvernement aux humeurs et vapeurs d’un prince impétueux et compulsif.

Le jihadiste saoudienne

En 2014, l’arrestation de Majed el-Majed avait été annoncée le 1er janvier par les autorités libanaises. Majed el-Majed était soupçonné d’avoir été le chef des brigades Abdallah Azzam, un groupe jihadiste lié à al-Qaïda qui avait notamment revendiqué un attentat devant l’ambassade d’Iran à Beyrouth en novembre, ayant fait 25 morts. Gravement malade, Majed el-Majed est mort en emportant dans sa tombe tous ses secrets.
Les circonstances de sa capture et de sa disparition ont été entourées d’un grand mystère. L’armée libanaise a attendu neuf jours avant de confirmer officiellement son arrestation, pour annoncer le lendemain son décès…… à cause de la détérioration de son état de santé. Ryad aurait discrètement exigé son extradition…. officiellement pour être interrogé et jugé dans le royaume, en fait pour le soustraire à la curiosité des enquêteurs libanais.

Une fois la mort du djihadiste assurée, l’Arabie saoudite est revenue sur sa promesse d’allouer un don d’un milliard de dollars à l’armée libanaise.

«Prison dorée» pour le prince du captagon

En 2015, l’Arabie saoudite était une nouvelle fois sur la sellette, avec l’implication du fils de l’ancien gouverneur de Médine, 2me haut lieu saint de l’Islam, dans un trafic de stupéfiants.

Le prince Abdel Mohsen Ben Walid Ben Abdel Aziz a été intercepté avec ses 4 complices à l’aéroport de Beyrouth, le 27 octobre 2015, alors qu’il s’apprêtait à embarquer à bord d’un avion royal saoudien 2 tonnes de captagon et une grosse quantité de cocaïne contenues dans 40 valises diplomatiques.

Pour le lecteur arabophone, la suite sur ce lien: http://www.raialyoum.com/?p=33522

Le prince du captagon, auguste personnage s’il en est, a été logé littéralement dans une « prison dorée » au sein de l’immeuble abritant les bureaux de la lutte contre les stupéfiants à Beyrouth au lieu dit «Makhfar Hbeich». Une salle spacieuse lui a été spécialement aménagée, climatisée, équipée de télévision et d’un portable pour ses communications externes, avec un garde prélevé sur les effectifs des gardiens pour tenir lieu d’office boy, un abonnement à «Free Delivry» pour ses deux rations alimentaires quotidiennes en plus d’un deuxième abonnement quotidien à un service de blanchisserie (bien blanchisserie et non blanchiment) pour le nettoyage de ses vêtements. Un traitement royal pour un malfrat royal en application du principe non de l’égalité des citoyens devant la Loi…mais du principe de la soumission devant le Roi dollar.

Le kidnapping de Saad Hariri

Le summum du délire a été atteint en 2017 avec le kidnapping de M. Saad Hariri, premier ministre en exercice du Liban, cas unique dans les annales internationales;Illustration pathologique d’un comportement erratique d’un dynaste qui incarne jusqu’à la caricature la version bédouine des Borgia du XXI e siècle, dont le kidnapping constitue le mode de suppression privilégié de toute contestation. Saad Hariri ne retrouvera la liberté d’ailleurs que grâce à l’intransigeance du tandem constitué par le président de la République Michel Aoun et Sayyed Hassan Nasrallah, le chef de la formation politico militaire chiite.

Sur Saad Hariri, cf ce lien:  https://www.madaniya.info/2017/11/05/saad-hariri-un-homme-aux-ordres/

En toute impunité, le prince héritier saoudien Mohamad Ben Salmane, récidivera l’année suivante en supervisant à distance l’équarrissage d’un de ses opposants, jadis un loyal serviteur des services de renseignements saoudiens, le journaliste Jamal Kashoggi, au consulat saoudien à Istanbul….Avant de procéder l’année d’après, en 2019, à une opération de déstabilisation de la Jordanie, trois ans après le blocus du Qatar. Quatre forfaits en toute impunité.

Sur Jamal Khashoggi, «non un parangon de la liberté de presse, mais un pur produit de la matrice wahhabite takfiriste, ce lien https://www.madaniya.info/2018/10/19/arabie-saoudite-jamal-khashoggi-non-un-parangon-de-la-liberte-de-la-presse-mais-un-pur-produit-de-la-matrice-wahhabite-takfiriste/

L’épreuve de force avec le Liban a été déclenchée en fait par les revers militaires saoudiens au Yémen et la fin de non recevoir opposée par l’Iran aux sollicitations saoudiennes pour une intermédiation auprès des Houthistes.

Elle met aux prises le plus riche et le plus grand des pays arabes, cinquième client de l’armement mondial, et le plus petit arabe, dont le mercantilisme avéré n’a d’égal que son militantisme sans doute le plus virulent du Monde arabe, au palmarès militaire de surcroît prestigieux, contrairement, à son royal rival. Du fait du Hezbollah, précisément, la bête noire des Saoudiens.
Ah le cauchemar vécu par la dynastie wahhabite, où coup sur coup l’Iran le renvoie aux Houthistes et au Hezbollah libanais pour trouver une sortie honorable au conflit du Yémen, quand Sana’a brandissait les photos de Georges Cordahi en signe de gratitude pour la déclaration du ministre libanais de l’information.

N’en déplaise à quiconque: Le Liban demeure ainsi le seul pays au monde à avoir abrogé un traité international (le traité de paix avec Israël en 1983) sous la pression populaire; le seul à avoir obtenu le retrait militaire israélien sans négociations, ni traité de paix, ni reconnaissance, glanant au passage le titre envié de «Vietnam d’Israël» pour la fonction traumatique de sa capitale, Beyrouth. Et Beyrouth, le cimetière de tous ses occupants aussi bien la Force Multinationale Occidentale (États Unis, France) que les Israéliens.

Le rapport de «The Brookings Doha Center Report» de Mai 2014 de Charles Lister.

Pour rappel à l’intention de l’impulsif prince saoudien et de ses insignifiants thuriféraires libanais.

Le Hezbollah, au palmarès militaire infiniment plus prestigieux que son bourreau saoudien, à faire pâlir d’ailleurs bon nombre des protagonistes des conflits du Moyen-Orient, se distinguera par une série de magistrales et époustouflantes victoires, tant contre Israël qu’en Syrie, suscitant l’admiration de bon nombre de spécialistes militaires occidentaux. Sur ces divers théâtres d’opérations, le Hezbollah a affiné sa stratégie, optant pour une «méthode complexe» de combat, un combiné d’opérations de guérilla et de guerres frontales, couplant les méthodes de guerre d’une armée régulière aux méthodes de la guerre de guérilla.

Au Liban, sur son propre terrain au sein d’un environnement favorable, le sud Liban à majorité chiite, il livrera une guerre défensive au moyen de la guérilla face à Israël. En Syrie, en terrain hostile face à des djihadistes, il mènera des guerres frontales en rase campagne.

En Syrie, il opérera en tandem avec son alter ego iranien, le général Qassem Souleimany, chef de la prestigieuse «Brigade de Jérusalem» des Pasdarans, -dont la transcription en arabe claque comme baïonnettes aux vents, «Faylaq Al Qods Lil harath As Saouri Al Irani»-: Faylaq Al Qods, «Jerusalem brigade» comme pour rappeler la permanence de la revendication iranienne et chiite dans le combat pour la libération de la Palestine.

Le cours de la guerre de Syrie a conduit le Hezbollah a mené des combats de chars et de blindés alors que son point fort était l’infanterie. Il s’offrira le luxe, cas unique dans les annales militaires, de faire sauter le verrou de Damas, Yabroud, le 15 mars 2014, le jour même du référendum de rattachement de la Crimée à la Russie, à la date commémorative du 3eme anniversaire du soulèvement populaire en Syrie.

«Le Hezbollah a réussi à assumer un rôle distinctif croissant dans la direction des opérations de l’armée syrienne lors d’offensives majeures des forces gouvernementales. A Qoussayr (Juin 2013), le Hezbollah a pris directement en main la conduite des opérations, assumant, parallèlement, la surveillance aérienne permanente du champ de bataille, via des drones», relèvera «The Brookings Doha Center Report», dans sa livraison de Mai 2014 signée de Charles Lister.

Hassan Nasrallah versus Bander Ben Sultan: KO debout.

Fils du Prince Sultan Ben Abdel Aziz, inamovible ministre saoudien de la défense pendant un demi siècle, l’ancien «Great Gatsby» de la vie diplomatique américaine s’est imposé comme l’homme fort du Royaume du fait de la maladie d’une large fraction de l’équipe dirigeante frappée de pathologie handicapante.

Intronisé par le général David Petraeus, l’ancien chef du renseignement américain, Bandar Ben Sultan, le capo di tutti capi des groupements terroristes, passait pour être le nouvel homme providentiel de la stratégie saoudo américaine.
Par cinq fois, toutefois, Bandar a mordu la poussière face Hassan Nasrallah, tant en Syrie qu’au Liban, que face aux Israéliens dont les Saoudiens étaient les alliés objectifs, le contraignant à prendre le chemin de l’exil, entraînant dans sa chute l’ensemble de sa fratrie, son aîné, Khaled Ben Sultan, vice-ministre de la défense et propriétaire du journal «Al Hayat» et son cadet, Salman Ben Sultan, le chef opérationnel du PC conjoint islamo atlantiste à Amman.
Voir à ce propos les déclarations du général Welsley Clark, ancien commandant en chef de l’Otan (1997-2000): «Nos alliés et nous avons crée Daech pour combattre le Hezbollah».

Voir la vidéo sous-titrée en français: https://www.youtube.com/watch?v=ml-piXRdnow
Pour aller plus loin sur ce thème, cf ce lien: https://www.renenaba.com/rapport-syrie-brookings-doha-center-report/

En deux ans (2012-2014), le Hezbollah a mis ainsi en échec six offensives majeures des jihadistes de Syrie visant à percer les lignes de défense du parti chiite, à coups de vagues humaines, dans la zone frontalière syro libanaise.
Ainsi donc au terme de cette séquence, l’Arabie saoudite en menant une guerre militaire contre le plus pauvre des pays arabes (Yémen) et une guerre économique contre le plus petit pays arabe (Liban) fait preuve de force avec les faibles, mais non seulement l’issue n’en est pas pour autant garantie, mais, pire, le résultat pourrait être aux antipodes des attentes saoudiennes.

Dans un monde multipolaire, le grand tort toutefois du Liban aura été de demeurer captif du marché occidental et de n’avoir pas cherché à diversifier ses relations économiques. Une faute impardonnable qui le rend captif des pulsions mortifères des anciens flibustiers de la Côte des pirates. Leçon a retenir quand bien même la disproportion des forces ne joue pas forcément en faveur du plus fort. Kaboul l’a démontré. Sana’a le confirme quotidiennement face aux Saoudiens précisément. Beyrouth aussi face aux Saoudiens et aux Israéliens, les deux théocraties du Moyen Orient.

Pour qui sonne donc le glas? Du Yémen et du Liban? Ou de la splendeur wahhabite?. Autrement dit de l’ordre domestique arabe sous l’hégémonie saoudienne du temps de l’unilatéralisme américain? Qu’il est dur d’être après avoir été.

For Whom the bell tolls?
Never send to know for whom the bell tolls; it tolls for thee.
Pour qui sonne le glas? Ne jamais demander pour qui sonne le glas: c’est pour toi qu’il sonne.

Pour aller plus loin sur ce dossier

Sur le Yémen

Sur le Liban

ReneNaba
René Naba | Journaliste, Ecrivain Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opéré pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expérience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a été la première personne d’origine arabe à exercer, bien avant la diversité, des responsabilités journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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