Bonne fête ou pas ?

En 2015, j’ai eu du mal, dans un article, à souhaiter de vive voix une bonne fête à ma mère, à la vue de la souffrance d’un certain nombre de mamans ayant injustement perdu leurs fils et de l’injustice infligée à plusieurs mamans pour diverses raisons. (cf : Bonne fête Maman ?)

En 2020, nos malheurs allaient croissant, entre la pandémie du Covid-19 et la crise économique et sécuritaire infligée par notre Etat raté, mais nous avons quand même célébré la fête des mères, souvent virtuellement, en souhaitant que l’année prochaine, tout irait mieux et que nous fêterions nos mamans correctement. Y en a même qui avaient allié l’utile à l’agréable, en utilisant un drone pour envoyer des fleurs aux mamans enfermées chez elles, et en offrant les fonds récoltés à la Croix Rouge.

2021 est venue, et malheureusement nos vœux ne furent pas exaucés. 2021 s’est annoncée encore pire que l’année dernière. Cruelle, dévastatrice, impitoyable. Alors que de mon côté je suis censée fêter pour la première fois la fête des mères, je n’ai vraiment pas envie de festoyer ni de célébrer devant toutes les horreurs que subit la mère libanaise au quotidien, et je supporte encore moins d’aller acheter ou recevoir des fleurs ou un gâteau dont le prix ont déraisonnablement décuplé.

Une situation choquante

L’état lamentable dans laquelle nous sommes me choque, m’offusque, m’anéantit. Il n’est plus permis de résister, de s’adapter, de faire preuve de résilience ou d’attitude positive ou je ne sais quelle hérésie pour faire perdurer ce syndrome de Stockholm qui nous pulvérise. Ce qui me choque le plus, c’est que ces mamans libanaises qui subissent, ces mamans de tous bords, acceptent tout : la hausse des prix, les mensonges, les pénuries, et se font toutes petites pour trouver le minimum nécessaire à très bon prix, etc.

Depuis un an, une inquiétante pénurie de lait maternisé épuise les parents qui se démènent de pharmacie en pharmacie pour acheter une boîte de lait qui se fait rare. Les médicaments les plus courants sont également introuvables, et se vendent souvent par sachet ou par unité, si on parvient à en trouver. Les prix dans les supermarchés ont décuplé, ce qui coûtait 1500l.l. hier vaut aujourd’hui 15000l.l., et les gens s’entretuent sur les quelques denrées subventionnées inaccessibles car cachées par les commerçants attendant une nouvelle inflation pour réaliser quelques profits. Sans citer les conditions qui deviennent précaires dans les hôpitaux surmenés, les licenciements en masse dans les entreprises, pour ne citer que ces catastrophes qui rythment le quotidien des familles libanaises.

Où sont toutes ces battantes ?

Au milieu de ces calamités, comment parler de fêtes ? Pour honorer la mère, on lui assure des conditions de vie décente pour elle et ses enfants, plutôt que de festoyer un jour au milieu de cette misère collective. En plein dans cet océan de désolation, que ferait une mère dont la vie et celle de ses enfants devient en péril ?

Normalement, l’instinct maternel fait que si une force du mal veut causer du tort aux enfants, les mamans deviennent des lionnes et des louves qui se battraient pour leurs progénitures. On oublie que le mal n’est pas seulement physique… On nous rabaisse et nous rend esclaves des pénuries fabriquées par les politiciens, les agences exclusives et les distributeurs qui ne font qu’un dans ce pays.

Non mesdames, si vous seules vous vous révoltez et refusez cette vie pourrave que l’on nous impose, parce que tout simplement vous n’accepterez pas que vos enfants vivent ce cauchemar que l’on nous fait vivre, je suis sûre que les dinosaures au pouvoir seraient morts de peur.

Mamans du Liban, indignez-vous !

Mamans du Liban, vous nous aviez montré l’année dernière que vous faites fi des différences imposées par cette société sectaire et patriarcale, et vous vous êtes retrouvées, mamans de Chiyah et Ain Remméné, main dans la main, lors d’une marche symbolique refusant la violence et les rixes entre vos enfants.

Mamans du Liban, vous êtes une force que l’on sous-estime, dites merde aux appartenances partisanes de vos tribus, et unissez-vous pour une vie décente pour le bien et l’avenir des fruits de vos entrailles, je suis sûre que vous ferez trembler la terre sous vos pieds … si vous le désirez vraiment….

Mamans du Liban, indignez-vous, devant tant de misère, d’injustice et de dégradation.

Remplissons les rues, gelons ces fausses allures de vie qu’on nous fait subir, jusqu’à la chute de cet Etat mafieux qui subtilise notre argent, notre avenir, et notre pays.

Mamans du Liban, indignons-nous, pour récupérer notre vie, notre liberté, et notre dignité fauchées par les mafias au pouvoir, et assurer un avenir meilleur à nos enfants !

Marie Josée Rizkallah
Marie-Josée Rizkallah est une artiste libanaise originaire de Deir-el-Qamar. Versée dans le domaine de l’écriture depuis l’enfance, elle est l’auteur de trois recueils de poèmes et possède des écrits dans plusieurs ouvrages collectifs ainsi que dans la presse nationale et internationale. Écrivain bénévole sur le média citoyen Libnanews depuis 2006, dont elle est également cofondatrice, profondément engagée dans la sauvegarde du patrimoine libanais et dans la promotion de l'identité et de l’héritage culturel du Liban, elle a fondé l'association I.C.H.T.A.R. (Identité.Culture.Histoire.Traditions.Arts.Racines) pour le Patrimoine Libanais dont elle est actuellement présidente. Elle défend également des causes nationales qui lui touchent au cœur, loin des équations politiques étriquées. Marie-Josée est également artiste peintre et iconographe de profession, et donne des cours et des conférences sur l'Histoire et la Théologie de l'Icône ainsi que l'Expression artistique. Pour plus de détails, visitez son site: mariejoseerizkallah.com son blog: mjliban.wordpress.com et la page FB d'ICHTAR : https://www.facebook.com/I.C.H.T.A.R.lb/

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