La réunion entre le Président de la Chambre Nabih Berri et le premier ministre désigné Saad Hariri. Crédit Photo: Parlement Libanais

Saad Hariri (actionnaire de Bankmed) n’était pas le choix des manifestants, des blocs parlementaires dirigés par le Courant patriotique libre (fondé par le Président de la République Michel Aoun et dirigé par Gébran Bassil) et le parti démocratique libanais (de Talal Arslane), du bloc parlementaire dirigé par le parti des Forces libanaises (de Samir Geagea), du bloc parlementaire dirigé par le Hezbollah ou encore de la Rencontre consultative (Fayçal Karamé, Walid Succariyé et Abdel Rahim Mrad) et de quelques députés (Chamel Roukoz, Fouad Makhzoumi, Jamil Sayyed et Oussama Saad). 

Il a quand même été désigné Premier ministre par 65 députés : 20 députés du bloc parlementaire dirigé par le Courant du Futur (y compris Saad Hariri, Fouad Siniora et Dima Rachid Jamali qui a délaissé son mandat parlementaire et quitté le Liban pour un poste de doyenne à l’université de Sharjah) ou proches (Tammam Salam et Nouhad Machnouk), 17 députés du bloc parlementaire dirigé par le mouvement Amal (du Président du Parlement Nabih Berri, y compris Kassem Hachem du parti Baas), 7 députés du bloc parlementaire dirigé par le Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblat), 6 députés du bloc parlementaire dirigé par le courant Marada (de Sleiman Frangié) et proches (Jihad al-Samad), 4 députés du bloc parlementaire dirigé par Najib Mikati (dont lui-même), 3 députés du Parti Social National Syrien, 3 députés du Parti Tachnag ainsi que le vice-président du Parlement Élie Ferzli et Adnan Traboulsi (membre de l’association pro-syrienne Ahbache Al-Mashari) ou encore Eddy Demerdjian (élu député à Zahlé en 2018 avec 0.1% des voix et 77 voix préférentielles), Michel Daher (dont les biens immobiliers et mobiliers ont été saisis par la Justice qui l’accuse d’abus de confiance et de violation de la loi sur l’organisation de la profession d’intermédiation financière ce qui pourrait conduire à son emprisonnement) et Jean Talouzian (proche du dirigeant et actionnaire de la banque SGBL Antoun Sehnaoui). 

Malade, Michel Murr (un symbole des dérives dénoncées par les manifestants) n’a pas donné son choix. 

Saad Hariri a donc bénéficié de l’appui des partis gouvernementaux de l’époque de l’occupation syrienne quand Rafic Hariri était Premier ministre (1992-1998 et 2000-2004) et Fouad Siniora son ministre des Finances (1992-1998 et 2000-2004), du Président du Parlement (Nabih Berri) et de son vice-président (Élie Ferzli) déjà à leurs postes à l’époque et plus généralement de la plupart des membres du « parti des Banques », coalition soutenue par Riad Salamé le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et par l’Association des Banques du Liban (ABL) contrôlant la Commission parlementaire des Finances et du Budget et regroupant actionnaires de banques, dirigeants de banques et politiciens ayant des conflits d’intérêt avec les banques (car étant actionnaires, membres de conseils d’administration, consultants ou avocats de celles-ci), qui ont saboté le plan de redressement et de relance du gouvernement Diab pourtant accepté par le Fonds monétaire international (FMI). 

Rappelons que Saad Hariri souhaite conserver le gouverneur actuel de la Banque Centrale (en place depuis 1993) malgré la volonté des manifestants et d’une partie du bloc parlementaire du Courant patriotique libre de le remplacer. 

Le Liban paie aujourd’hui le prix d’une mauvaise politique financière et monétaire mise en place en 1992-93 par Rafic Hariri, Fouad Siniora et Riad Salamé. 

Rappelons qu’après l’occupation syrienne, Nabih Berri et Riad Salamé sont restés respectivement Président du Parlement et gouverneur de la BDL. Élie Ferzli a lui retrouvé en 2018 son poste de vice-président du Parlement. Le poste de Premier ministre est lui principalement resté entre les mains du bloc parlementaire du Courant du Futur (Fouad Siniora entre 2005 et 2009 et Saad Hariri entre 2009 et 2011 et entre 2016 et 2020) et de ses alliés (Tammam Salam entre 2014 et 2016) ainsi qu’entre celles de Najib Mikati (en 2005 et entre 2011 et 2014). Enfin, le ministère des Finances est d’abord resté entre les mains du Courant du Futur (jusqu’en 2011) avant de passer entre celles du mouvement Amal (depuis 2011). 

Ceux qui ont causé la crise ne peuvent pas la résoudre, il est donc important que le gouvernement qui va être formé (par le Président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri) soit à la fois capable de réaliser les réformes et donc de s’opposer au « parti des Banques » et en mesure d’obtenir le vote de confiance d’un Parlement contrôlé par ce parti… 

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