La course à l’événementiel

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Les sept candidats à la primaire de la droite et du centre, se sont livrés à leur premier débat public, pendant que les deux candidats, à l’élection présidentielle aux Etats –Unis (novembre) ont eu leur second débat. Des hommes et des femmes qui s’affrontent dans l’arène politique, sous les yeux de dizaines de millions de téléspectateurs.

Le jeu démocratique a besoin de règles et surtout, d’une grande dose de confiance en soi voire de narcissisme et de démagogie, pour prétendre tout changer. Les masses humaines et les groupes ont besoin, d’action et de chefs qu’ils suivent, sur les champs de bataille.

Tout le monde rêve d’être en première ligne, soit directement sinon de manière interposée. Comme si le pouvoir transfigurait les êtres et leur donnait l’illusion, d’exister définitivement, d’acquérir une sorte d’immortalité provisoire.

Pendant que la bataille électorale bat son plein, tant en France qu’aux Etats –Unis (les primaires décisives et inédites en France, pour entraver la menace grandissante  du  front national, faisant coïncider les deux calendriers) ,un documentaire est projeté, autour du parcours et du déclin de Jacques  Chirac, intitulé « l’homme qui ne voulait pas être président »et l’ex compagne secrète de François Mitterrand publie, vingt ans après sa mort (janvier 1996) plus de mille lettres, de leur correspondance amoureuse. Une meilleure façon de racheter par l’intime, une immortalité plus durable, avec les mots et la distance du temps écoulé.

Chirac et Mitterrand si puissants et omniprésents en leur temps, redeviennent plus humains et mortels, maintenant qu’ils sont menacés par l’oubli. Après avoir incarné, parfois avec violence le pouvoir, ils suscitent la nostalgie.

Tant qu’on est en vie, sur la scène du monde, on s’accroche parfois avec frénésie et nos corps sont repus, de sensations et d’émotions, jusqu’à la saturation et l’usure. Comme si notre réalité matérielle et sensorielle, tout en nous poussant à explorer le monde extérieur, finit par nous emprisonner, à l’intérieur de nous-mêmes. Jusqu’à ce que la mort nous délivre, de la contingence de nos désirs.

Scandales d’argent, scandales sexuels, tout ce dont on voudrait s’accaparer, en bravant souvent l’interdit social. A condition de ne pas se faire sanctionner, par le système avec lequel on négocie, d’une manière ou d’une autre, parfois de façon détournée, notre marge de liberté.

De plus maintenant, le temps est devenu plus saccadé car l’expérience, de la connaissance par l’information est quasi immédiate. Nous n’avons plus le loisir, de mûrir et de faire croître, les choses naturellement. Et puis la brutalité des images qui s’étalent devant nos yeux : les guerres, les migrations, les catastrophes naturelles, une humanité en pleine expansion démographique et qui essaie de se réguler, parfois sauvagement, dans l’indifférence générale.

La révolution des moyens de communication nous est apparue, il y a deux décennies comme une évolution prodigieuse, un grand bond en avant. Avoir à sa portée toutes les informations possibles et inimaginables, à travers de simples tablettes et des téléphones intelligents et mobiles, qu’on peut emporter n’importe où. Le mail est un outil, immédiat et irrévocable. Une simple pression et cela est expédié et même partagé et démultiplié, parfois au risque de se répandre comme une épidémie. Il faut juste disposer d’un écran et d’un réseau.

Quitte à frôler la dépendance, de ceux qui se connectent et consultent, partout et à tout moment. Comme si on était soudain condamnés à entretenir, une urgence artificielle pour suivre le nouveau rythme accéléré du monde. Tout cela pour oublier qu’on est juste là de passage, que le temps est compté et que ce mouvement, qui semble s’accélérer dangereusement, peut également s’arrêter d’épuisement, à tout moment.

Comment sortir de l’événementiel, de la vaine compétition, de la course échevelée pour rattraper le temps, irrémédiablement perdu, qui nous échappe ?

Essayer de rétablir la certitude et la conscience du monde, en adaptant nos moyens à nos limites.

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