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Robert Ford: «Les États-Unis peuvent difficilement faire face à l’Iran en Syrie. Il est probable qu’ils se retireront, comme ils se sont retirés du Liban, en 1983, et de l’Irak, il y a dix ans».

En partenariat avec Madaniya.info – Les rodomontades de Donald Trump sur la Syrie paraissent relever de la gesticulation diplomatique et la menace d’un nouveau bombardement de ce pays au prétexte d’un probable usage d’armes chimiques par le pouvoir baasiste paraît destiné à entraver le déploiement du Hezbollah sur le Golan et à compenser le revers psychologique majeur représenté par la jonction des frontières terrestres entre la Syrie et l’Irak, malgré l’obstruction américaine.
Cauchemar absolu des Israéliens, la présence dans le secteur du Golan de la formation paramilitaire chiite libanaise, à la stature pan-régionale depuis ses retentissantes victoires de Syrie, qui plus est à la jonction des trois frontières (Syrie-Jordanie-Israël), est vécue comme une réelle menace par l’État Hébreu, au point de réduire à néant ses efforts visant à sécuriser sa frontière nord. Par la destruction programmée des pays arabes du «champ de bataille»: Liban, Syrie, Irak, Palestine.

L’ÉCHEC DE LA COALITION ATLANTISTE SUR LE FRONT SUD DE LA SYRIE.

La coalition atlantiste pensait compenser la perte d’Alep, fin décembre 2016, par l’ouverture d’un nouveau front au sud de la Syrie, dans la perspective de la chute des deux places fortes djihadistes, Mossoul (Irak) et Raqa-Deir Ez Zor (Syrie). Mais la Syrie et ses alliés paraissent être parvenus à contre-carrer les plans des Occidentaux, en dépit de la présence de Britanniques auprès des forces jordaniennes et des Israéliens auprès des djihadistes sur le Golan. En dépit des raids israéliens contre les positions gouvernementales syriennes en soutien aux djihadistes en mauvaise posture.

Près de cinquante groupements djihadistes opéraient sur le front sud de la Syrie, davantage préoccupés à se faire la guerre pour le leadership de la zone qu’à combattre le pouvoir baasiste. Supplantés au poteau par les sympathisants d’Al Qaida, ce bouleversement a réduit à néant le projet américain d’introniser une direction «djihadiste modérée» (sic) à la tête de cette zone frontalière syro-israélienne, en guise de contrepoids à une éventuel ancrage du Hezbollah.

La guerre intestine des pétromonarchies du Golfe, notamment entre l’Arabie saoudite et le Qatar, -les deux principaux bailleurs de fonds des djihadistes-, la bouderie de la Turquie, davantage préoccupée par la progression kurde dans le nord de la Syrie, avec le soutien des États Unis, ont contribué à ce revers.

Pour aller plus loin sur ce sujet, à l’intention du lecteur arabophone ce lien,

La précédente démonstration de force de Donald Trump au prétexte chimique contre la Syrie, le 8 avril 2017, avait pour objectif principal de doter d’une stature internationale le président américain décrié depuis sa prise de fonction pour ses mesures xénophobes et populistes, notamment le «Muslim Ban» et construction d’un mur de séparation avec le Mexique. Et de lui donner l’occasion de se débarrasser à peu de frais d’un arsenal militaire désormais obsolète.

EMMANUEL MACRON DANS LE PIÈGE DU BOURBIER CHIMIQUE?

Dans un tel contexte aléatoire, l’engagement d’Emmanuel Macron de bombarder la Syrie dans l’hypothèse d’une nouvelle émanation de gaz chimique se révèle hasardeuse et problématique. Cette profession de foi pourrait le placer en porte à faux avec le nouveau cours qu’il a imprimé à la politique syrienne de la France. Et pis, à la merci de la moindre provocation, plombant le Jupiter de France dans le bourbier chimique syrien au début de son mandat, «à l’insu de son plein gré».

Robert Ford, l’ancien gauleiter américain auprès de l’opposition off shore syrienne, vient de souffler un vent de pessimisme sur les stratèges atlantistes par un constat formel:
«The game is over ! La fin de partie a été sifflée en Syrie. Barack Obama n’a pas laissé de choix à son successeur alors que Donald Trump est particulièrement désireux de réduire l’influence de l’Iran.

Telle est en substance le constat dressé par l’ancien ambassadeur américain en Syrie dans les déclarations au quotidien saoudien «Al Charq Al Awsat, dont le site Ar Rai Al Yom en publie de larges extraits sur ce lien pour le lectorat arabophone :

«Les États-Unis peuvent difficilement faire face à l’Iran en Syrie. Il est probable qu’ils se retireront, comme ils se sont retirés du Liban, en 1983, il y a 35 ans, après les attentats contre l’ ambassade américaine à Beyrouth et le PC des Marines dans le secteur de l’aéroport de la capitale libanaise. Comme ils se sont retirés de l’Irak, il y a une dizaine d’années».

L’ex diplomate américain affirme que l’Iran a les moyens de s’attaquer aux États-Unis en lui déclarant la guerre en Irak. Robert Ford parle d’un «défi diplomatique compliqué» de devoir dissuader Bachar Al Assad d’utiliser des armes chimiques et en même temps de dissuader l’Iran de frapper les forces américaines en Irak.

«Donald Trump veut réduire l’influence iranienne, c’est du moins ce que j’ai entendu dire d’un de ses conseillers, mais il est probable que le président ignore que la fin de la partie a été sifflée. Obama n’a pas laissé beaucoup de choix à son successeur pour atteindre ses objectifs».

«LES KURDES COMMETTENT LA PLUS GRAND ERREUR DE LEUR VIE EN PLAÇANT LEUR CONFIANCE DANS LES AMÉRICAINS».

Robert Ford dresse un tableau sombre des relations entre les Kurdes et les Américains: «Washington s’en sert pour libérer Raqqa (fief des djihadistes à l’est de Syrie). Ce que les Américains font aux Kurdes et un seulement un acte hideux mais de grande immoralité.

«Les Américains se sont longtemps servis des Kurdes du temps de Saddam Hussein. Pensez vous vraiment que les Américains vont traiter l’UNION PATRIOTIQUE et aux Unités de protection du peuple (YPG), autrement dit les Kurdes de Syrie) d’une manière différente de celle employée à l’égard des Kurdes irakiens par Henry Kissinger, secrétaire d’État de Richard Nixon, dans la décennie 1970.

«Les Kurdes commettent leur plus grand erreur en plaçant leur confiance dans les Américains», a t-il estimé.

LA PLUS GRANDE FAUTE DE MA VIE: AVOIR LONGTEMPS PENSÉ QUE LES DIRIGEANTS SYRIENS RÉCLAMERAIENT UN SAUF CONDUIT POUR SE RÉFUGIER EN ALGÉRIE, EN RUSSIE OU À CUBA.

Robert Ford confesse que la «plus grande faute de sa vie est le fait d’avoir été convaincu jusqu’à fin 2013 que certains dirigeants syriens réclameraient un sauf conduit pour se réfugier en Algérie, en Russie ou à Cuba», ouvrant la voie à un «gouvernement de transition dirigé par le général Ali Mamlouk, chef du Conseil National de sécurité, ou Mohamad Dib Zeytoun, chef des Services renseignements, qui serait composé de personnalités indépendantes et des membres de l’opposition. Le tout placé sous la présidence de Farouk Al Chareh», le vice président sunnite de la République, mis à l’écart du pouvoir depuis quatre ans.

L’INTOXICATION DU JOURNAL LIBÉRATION À PROPOS DU GÉNÉRAL ALI MAMLOUK:

La mort d’Ali Mamlouk avait été annoncée au printemps 2015 par la presse britannique dans une opération d’intoxication destinée à démoraliser les troupes gouvernementales syriennes à la veille d’une offensive combinée des djihadistes depuis le Golan et le Front sud, le secteur Deraa, région frontière syro jordanienne.

Cette opération menée sous encadrement d’officiers jordaniens et israéliens avait tourné court par suite de la défaillance djihadiste sur le terrain. Des journalistes français généralement présentés comme étant de grands connaisseurs des affaires du Moyen-Orient ont repris l’information concernant Ali Mamlouk en mentionnant sa destitution et brodant abondamment sur les raisons de son éviction. De telles élucubrations, sur fond de présupposés idéologiques post coloniaux, expliquent pour une large part le désastre stratégique de la France en Syrie.

Sur ce lien, l’éviction du général Ali Mamlouk annoncé par des journalistes français prétendument spécialistes du Monde arabe: Jean Pierre Perrin et Hala Kodmani:

Robert Ford confesse une autre grave faute: «Je n’ai jamais imaginé que l’Iran et le Hezbollah engagent des milliers de combattants en Syrie. Jamais imaginé que le Hezbollah sacrifie sa réputation dans le Monde arabe pour voler au secours de Bachar Al-Assad. C’est là aussi une grave faute de ma vie», a-t-il conclu.

ROBERT FORD, LE BREMER DE SYRIE, FACE À UNE CAUCHEMARDESQUE OPPOSITION OFF SHORE SYRIENNE

Robert Ford, qui rêvait de transformer la Syrie en un «Etat failli» sur le modèle de la Libye multipliera les provocations et les coups de force contre le pouvoir baasiste, durant sa mission, au mépris des usages diplomatiques.

Robert Ford se voulait le Paul Bremer de Syrie, du nom du premier proconsul américain en Irak. Mais auprès d’une opposition syrienne off-shore, polymorphe, hydrique, sans âme, sans foi ni loi, cet ancien adjoint de John Negroponte en Irak, en sera son cerbère, la cornaquant constamment, la tançant plus de besoin, au point d’en faire la risée des observateurs internationaux et le désespoir de ses nombreux parrains (1).

La dernière prestation de Robert Ford à Istanbul, à la veille de l’ouverture le 22 janvier 2014 de la conférence de paix sur la Syrie (Genève 2) valait son pesant de pistaches d’Alep. L’hyper capé de la diplomatie américaine passait en revue ce jour-là les heureux préposés au cirque médiatique de Genève qui devait fixer pour l’éternité le lancement du processus de paix sur la Syrie, dans la pure tradition de la sélection du bétail. Entrevoyant Bourhane Ghalioune, il lui signifie le refus de son visa pour la Suisse.

Interloqué, plus vraisemblablement saisi de panique à l’idée d’être privé d’un per diem, le premier chef de l’opposition off-shore syrienne, à la prestation calamiteuse, se confond alors en supplique devant le garde chiourme des opposants atlantistes au régime Assad, pour l’autoriser à figurer sur la photo inaugurale. Il sera fait droit à sa requête après moultes supplications.

Le jeu en valait la chandelle. Il se dit dans les coulisses que le responsable d’un bataillon avait droit à deux millions de dollars de gratifications pour sa prestation.

L’adjoint de John Negroponte en Irak, le maître d’œuvre de l’opération «Contras» au Nicaragua visant à la déstabilisation du gouvernement sandiniste, a échoué en Syrie, comme auparavant Paul Bremer en Irak.

Toute son expérience diplomatique (Irak, Algérie, Bahreïn, Turquie), toute sa culture polyglotte (allemand, turc, français, arabe en sus de l’anglais) auront été de peu de poids face à deux poids lourds de la diplomatie syrienne qui lui tiendront la dragée haute dans les joutes oratoires des forums internationaux: Walid Al Mouallem, ministre des Affaire étrangères et Bachar Al Jaafari, représentant de la Syrie aux Nations Unies
Robert Ford a quitté le corps diplomatique en 2014. Il est chercheur à l’université de Yale et à l’Institut pour le Moyen-Orient basé à Washington.

POUR ALLER PLUS LOIN

1- Clap de fin Pour Robert Ford et Bandar Ben Sultan
http://www.renenaba.com/syrie-clap-de-fin-pour-robert-ford-et-bandar-ben-sultan/

2-Robert Ford le cerbère de l’opposition off-shore:

ReneNaba
René Naba | Journaliste, Ecrivain Français d’origine libanaise, jouissant d’une double culture franco arabe, natif d’Afrique, juriste de formation et journaliste de profession ayant opéré pendant 40 ans au Moyen Orient, en Afrique du Nord et en Europe, l’auteur dont l’expérience internationale s’articule sur trois continents (Afrique Europe Asie) a été la première personne d’origine arabe à exercer, bien avant la diversité, des responsabilités journalistiques sur le Monde arabo-musulman au sein d’une grande entreprise de presse française de dimension mondiale.

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