The headquarters of the Association of Banks in Lebanon (ABL). Photo Credit: NNA.
The headquarters of the Association of Banks in Lebanon (ABL). Photo Credit: NNA.

La Présidence de la République n’est pas la seule victime de l’accord de Taëf. Le peuple est lui-même l’autre victime de cet accord de 1989. Alors que le peuple manifestait à Baabda et dans les régions libres son rejet de l’accord, les députés (élus en 1972) réunis en Arabie saoudite, l’acceptèrent. Les manifestations populaires ne cessèrent pas alors c’est par la force que les Syriens, en accord avec ces députés et le Président de la République qu’ils avaient élu et le Premier ministre qu’ils avaient désigné, les Saoudiens, les Américains et les Israéliens, l’imposèrent.  Alors que le peuple boycottait les élections législatives, un régime a été instauré avec la complicité de l’occupant syrien. Ce régime n’est donc pas le gouvernement par le peuple. 

Ce régime est gouverné par le clan de la famille Hariri (à la tête du pouvoir exécutif) et par les miliciens Nabih Berri (à la tête du pouvoir législatif) et Walid Joumblatt. Ce régime n’est donc pas le gouvernement du peuple. Pour s’enrichir, il s’est associé avec des cartels et des mafias ou encore des puissances étrangères et le Hezbollah et les Palestiniens sont restés armés. Ce régime n’est donc pas le gouvernement pour le peuple. Le régime en place au Liban n’est en réalité pas le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple (démocratie) mais le gouvernement des banques, par les banques et pour les banques (bancocratie). 

La preuve ? 

C’est la manière dont le peuple est actuellement dépossédé de son argent (en raison du contrôle des capitaux imposé par les banques, de la pénurie de dollars américains dans celles-ci et de la « lirification » des dépôts) et de son pouvoir d’achat (en raison de la dévaluation de la livre libanaise causée par la pénurie de dollars américains dans les banques et de la « lirification » des dépôts) avec la complicité de la famille Hariri (actionnaire de banque), de Nabih Berri (dont le ministre des Finances relève), le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé (nommé à la tête de la Banque Centrale par le gouvernement de Rafic Hariri en 1993 et dont le limogeage a jusque-là été rejeté par les ministres nommés par Nabih Berri), l’Association des Banques du Liban (ABL) et la Commission parlementaire du Budget et des Finances. 

Une autre preuve ? 

C’est la manière dont le clan Hariri, Nabih Berri, Riad Salamé, la BDL, l’ABL et la Commission parlementaire du Budget et des Finances ont sous-estimé de manière colossale les pertes (81 000 milliards de livres libanaises au lieu du double) et empêché une répartition équitable de celles-ci (entre l’État, les déposants les plus riches, la BDL et les banques), l’aboutissement des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI), les réformes promises lors de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE), une véritable levée du secret bancaire (pas seulement sur les comptes de la BDL et sur ceux des institutions publiques détenus à la Banque Centrale) en incluant les comptes de personnes ayant un rapport avec l’argent public, un véritable audit juri-comptable (« forensic audit ») et une loi sur la séparation des pouvoirs judiciaire et politique. 

Dans le même temps, le plan de redressement et de relance du gouvernement de Hassan Diab[1] prévoyait outre le passage d’une économie rentière à une économie productive et innovatrice et la fin des monopoles exclusifs et des agences exclusives, une restructuration du secteur bancaire avec la disparition (« wipe-out ») des actionnaires et de leur capital (« write-off ») dans les banques s’ils refusaient de renflouer celles-ci avec les dividendes qu’ils se sont versés les années précédentes et un renflouement interne (« bail-in ») avec le transfert dans le bilan comptable d’une partie des dépôts les plus importants en capital. 

Le FMI avait bien accueilli le plan du gouvernement Diab, l’évaluation des pertes et les réformes prévues. En effet, le FMI aurait évalué selon le Financial Times à 170 000 milliards de livres libanaises le montant des pertes tandis que le gouvernement les avait estimées à 154 000 milliards de livres libanaises. 

Le clan Hariri, Nabih Berri, Riad Salamé, la BDL, l’ABL et la Commission parlementaire du Budget et des Finances ont vu l’échec puis la démission du gouvernement Diab comme une victoire. Or, il s’agissait d’une victoire à la Pyrrhus car si le peuple est la véritable victime, les banques vont également sombrer et auraient dû saisir l’opportunité qui leur était offerte par le plan du gouvernement démissionnaire.


[1] http://finance.gov.lb/en-us/EventPdfs/English/The%20Lebanese%20Goverment%20Financial%20Recovery%20Plan.pdf.

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